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Opération Paris Brûle - Chapitre 27

 

 

 Bunker du Palais de l'Elysée 

 

Le Président de la République française se trouvait dans ses appartements privés au moment de l’explosion de la bombe. Il avait été surpris par un éclair bref et violent à peine filtré par les rideaux du petit salon où il regardait la télévision. Il avait bien remarqué que la lampe-veilleuse allumée dans un coin de  la pièce avait vacillé, comme on peut l’observer à la campagne en période d’orage. Plus ou moins consciemment le Président pensait que ce genre de choses n’arrivait jamais à Paris.

 

Comme il devait l’apprendre un peu plus tard, le générateur de surface de l’Elysée s’était mis en route dans la fraction de seconde qui avait suivi l’arrêt complet de distribution d’énergie dans la capitale. 

 

Il entendit un bruit d’effraction dans le couloir. La porte du petit salon s’ouvrit brutalement. Comme dans un film au ralenti, le Président vit deux hommes en uniforme et un officier faire irruption. L’officier prit à peine le temps de le saluer. 

- Monsieur le Président. Veuillez nous suivre immédiatement. Une bombe a explosé à Paris. Nous vous conduisons au bunker. Mes hommes et moi avons pour mission de vous mettre en sécurité le plus rapidement possible. Votre attaché militaire est déjà en route. Un de mes collègues s’occupe de votre famille. Désirez-vous prendre un bagage ? 

- Je vous suis. Je n’ai besoin de rien. Partons, fut la réponse immédiate du Président.

 

En colonne, courant presque, ils se dirigèrent vers le couloir reliant les appartements privés au bâtiment principal. Le Président fut conduit à un ascenseur qu’il n’avait jamais utilisé. Un ascenseur réservé pour des circonstances comme celles-là.

 

On y était donc !

 

Ce jour qu’il avait toujours considéré d’une manière un peu abstraite. C’était aujourd’hui. Il comprenait peu à peu que c’était à dessein que l’officier et ses hommes forçaient le rythme. Leur travail était de préserver la tête de l’exécutif. Pour s’assurer de la bonne coopération du Président, ils l’avaient d’emblée rassuré sur le sort de sa famille. De gré ou de force, ils le conduiraient dans le bunker.

 

Effectivement, le commando spécial que le Président voyait en action en cet instant avait été entrainé dans un but précis : contraindre, le cas échéant par la force, le Président à les suivre.

On lui avait bien-sûr bien caché cet aspect des choses. Comme on les avait cachées à ses prédécesseurs. Il faudrait trouver autre chose pour ses successeurs. Ses successeurs, pensa-t-il, s’il y en avait.

 

- Que savons-nous de cette explosion ?  demanda–t-il à l’officier silencieux à coté de lui, tandis qu’ils entamaient la longue descente sous terre.

 - Rien, monsieur le Président. Seulement qu’il s’agit très probablement d’une bombe A. J’étais de garde et je n’ai reçu qu’un signal. Celui de votre évacuation immédiate. 

- A propos d’évacuation, dit le Président, qu’en est-il de mon secrétariat et du personnel ? 

L’officier serra les dents. Il avait été formé précisément à ce type de situation. Lui et une demi-douzaine d’autres officiers triés sur le volet. Il devait répondre ce qu’on lui avait appris à répondre et rien d’autre.

- Tout le personnel est pris en charge, Monsieur le Président.

 

La réalité était légèrement différente.

Le bunker ne pouvait évidemment pas abriter le millier de personnes qui travaillaient à l’Elysée. Sans compter les visiteurs éventuels qui se trouvaient dans les locaux de la Présidence au moment de l’explosion. Le Président, quel qu’il soit, ne pouvait pas être mis au courant de certains détails. Il fallait éviter les conséquences fâcheuses d’un syndrome « commandant de bateau qui coule avec son bâtiment » toujours possible.

 

Le plan d’évacuation très secret qui avait été élaboré prévoyait la mise en sécurité de certains personnels bien identifiés. Le bunker ne devait abriter que des personnels spécialisés, dont le savoir-faire correspondait directement à l’une de  ses trois fonctions: la préservation du commandement militaire, la continuité de l’exécutif politique et la survie à 150 mètres sous terre. Des choix avaient été faits. Tel technicien était plus important que tel Conseiller du Président de la République. La seule exception était la famille du Président. On avait jugé que le moral du Président était vital pour la nation.

 

Pour des raisons de sécurité intérieure, le bunker avait été découpé en deux parties indépendantes. La première partie contenait outre le Président et sa famille, tous les personnels strictement nécessaires au maintien des trois fonctions de base.

 

La deuxième partie contenait des personnels qui étaient pour l’essentiel les remplaçants des personnels prioritaires. Ces personnels ne devaient intervenir qu’en cas d’indisponibilité de leur « doublon » opérationnel. Une petite partie des personnes admises n’avait pas de spécialisation particulière. En apparence, ces personnes devaient leur admission dans le bunker à un plan qui prévoyait la protection de l’ensemble des personnels travaillant à l’Elysée. Du moins ceux qui étaient dans leurs bureaux au moment de l’explosion.

 

En réalité ils étaient destinés à jouer un rôle précis sans le savoir. Un rôle important pour la cohésion du groupe.  Ils n’étaient pas choisis au hasard. Une liste secrète indiquait les profiles dits compatibles ou positifs dans la perspective d’une vie en vase clos pendant une période qui pouvait être de plusieurs mois. Des psychologues avaient participé à l’élaboration de cette liste. On estimait que l’équilibre psychologique de la partie « présidentielle » ne poserait pas trop de problèmes, dans la mesure où les personnels qui en faisaient partie avaient une mission à remplir. Leur travail sous la direction du Président préserverait en quelque sorte leur équilibre psychologique.

 

En revanche les personnels techniques de la deuxième partie seraient mentalement moins occupés.  Il avait fallu prévoir et la prévention des conduites de groupe irrationnelles et leur traitement éventuel. Dans cette optique, on avait regardé attentivement la personnalité et les compétences extra-professionnelles de ces personnels. Ainsi une secrétaire était-elle sur cette liste du fait de son brevet de secouriste. Un conseiller passionné de musique avait été choisi pour sa capacité à distraire le groupe. Les intéressés n’étaient pas informés de ces critères de sélection. La diversité du groupe renforçait au contraire en chacun l’idée d’un choix « démocratique » des vies à sauver.

 

La partition du bunker en deux sous-parties officiellement non communicantes laissait  chacun penser que les collègues absents avaient été sauvés mais qu’ils étaient de l’autre coté. De cette manière les psychologues pensaient éliminer certains symptomes négatifs de rebellion contre l’autorité. En fait ce dispositif n’avait jamais été testé. Surtout pour de longues périodes. Toutes les hypothèses seraient verifiées ou infirmées dans les jours ou les semaines qui suivraient.

 

Le Président avait eu le temps de s’adapter mentalement à cette situation inédite. Il avait hâte de rejoindre son poste de commandement souterrain et de prendre la mesure des événements et la direction des opérations. Il comprenait à présent le bien-fondé des descentes préalables dans le bunker. Après toutes ces réunions dans les bureaux souterrains, il était familier des lieux. Son esprit était totalement dégagé des contraintes psychologiques crées par un environnement inhabituel. A part son « enlèvement» précipité et dramatique, à part l’utilisation d’un ascenseur dont il avait ignoré l’existence jusqu’à de jour, rien ne l’étonnait. Presque naturellement il gagna la salle des opérations.

 

A part Grenet et sa belle assistante, tous les participants du Comité de Sécurité étaient présents. Le chef d’Etat-Major des Armées et Jean-Antoine Grenet, le Directeur de la DCRI, participaient à distance depuis leurs abris respectifs au Ministère de la Défense et au Ministère de l’Intérieur. Les écrans muraux allumés étaient encore vierges de toute image.

 

Le Président prit place à son fauteuil habituel.

- Eh bien Messieurs, nous y sommes. La pire des choses qu’aucun de nous n’aurait jamais souhaité voir se réaliser. Notre devoir est clair. Le commandement du pays repose sur nous. Je ne doute pas que chacun sera à la hauteur de sa tâche.

 

Le ton du Président était légèrement solennel. Les circonstances dramatiques s’y prêtaient.

 

L’espace d’un instant, il pensa que ces hommes avaient des familles à l’extérieur, exposées sans doute. La conduite des affaires de la nation l’emportait sur les considérations familiales les plus intimes. Il réalisait qu’il ne pouvait rien leur dire à ce sujet. Le meilleur antidote à leur angoisse était de leur témoigner son respect personnel et professionnel. Ces hommes, il est vrai, avaient été préparés à ces circonstances dramatiques. 

- Que savons-nous de cette bombe ?  demanda –t-il.

Le Chef des Opérations militaires responsable de bunker intervint le premier.

- Monsieur le Président. La bombe a explosé il y a exactement 6 minutes à l’Est de Paris. Une bombe au plutonium. 

 

Le Président était attéré. Une bombe atomique à Paris ! L’horreur inimaginable. Les morts, la radio-activité, le vide sanitaire qui entourerait la capitale de la France pendant des années.

 

Le symbole de la France et de la liberté souillé par un mal effroyable. Dieu merci, ce qu’il entendait le rassurait un peu. La faible puissance de la bombe. Les radiations très limitées. On lui expliquait que la bombe avait très certainement explosé dans le métro. L’explosion était vraisemblablement accidentelle et son effet destructeur s’en trouvait considérablement atténué. Les premières mesures effectuées montraient une faible pollution aérienne de la capitale. Les destructions physiques étaient limitées. La décision de descente au bunker avait été prise du fait de la menace d’une deuxième explosion.

 

Seuls les personnels prioritaires se trouvaient actuellement dans le bunker. Le reste du personnel de l’Elysée ne les rejoindrait que dans le cas d’une deuxième attaque. Si aucune menace ne se concrétisait dans les 48 heures, ils remontraient en surface. Pour le moment la capitale était sans électricité. Les communications radios ou télévision étaient coupées. Pas de téléphone public, ni fixe, ni mobile. En revanche, les communications stratégiques fonctionnaient parfaitement. Le bunker était relié directement aux principaux ministères par un réseau de fibres optiques blindées et enterrées.. Les Forces Stratégiques Françaises étaient opérationnelles et en état d’alerte. Le ciel de Paris était sous surveillance. Les contrôles des sites stratégiques placés en alerte maximale. Le trafic aéroportuaire était bloqué.

 

Au point de vue des pertes civiles, on s’attendait à quelques centaines de victimes, sans compter les blessés. Les hopitaux seraient bientôt en mesure de communiquer leurs premières indications. Les forces armées spécialisées, en tenue de combat anti-radiations,  étaient sur le point de parcourir la ville pour rassurer la population et inciter les gens à rester chez eux.

- Qu’en est-il du gouvernement ?  demanda le Président.

 

Le bunker de l’Elysée symbolisait le centre du pouvoir en temps de crise. Le Président exerçait pleinement ses fonctions constitutionnelles de Chef des Armées et de Chef de la Diplomatie. Tout était prévu pour la conduite du pays en cas de crise extrême. C’est de cet endroit que serait menée une guerre nucléaire de représailles par exemple. Mais l’Armée et  les services de renseignement ne pouvaient pas tout. Il n’était pas concevable que la totalité de l’exécutif français soit détruit. Le Président avait besoin de l’appareil ministériel, et notamment de certains Ministères essentiels. Le gouvernement, ou du moins ce qui était encore opérationnel, devait prendre sa part dans la direction du pays.

 

- A part le Premier Ministre et le Ministre des Affaires étrangères qui sont en visite d’Etat au Moyen-Orient, tous les membres du gouvernement sont à Paris, et la plupart ont rejoint les bureaux protégés à l’heure où nous parlons. Le Ministre de la Défense et le Ministre du Budget circulaient dans Paris au moment de l’explosion. Il semble qu’ils n’étaient pas dans les quartiers proches du centre de l’explosion. 

 

Comme les autres participants, le Président comprenait que la capitale avait été la cible d’une attaque terroriste limitée, probablement accidentelle. La priorité du moment était la prévention d’une deuxième explosion, probablement beaucoup plus dévastatrice que la première.

 

Presque naturellement, Jean-Antoine Grenet prit alors la parole. Il préférait répondre aux questions avant qu’elles ne lui soient posées.

 

- Monsieur le Président nos services sont en état d’alerte maximum. Les auteurs des explosions ont vraisemblablement agi en relation avec l’une des quarante-six bases que nous suspectons de soutien terroriste dans la région parisienne. Nous avons centré nos efforts ces dernières années sur les mosquées et particulièrement les mosquées de tendance salafiste, les plus virulentes. Nous les surveillons 24 heures sur 24. Nous avons des indicateurs dans la plupart. Parfois plusieurs indicateurs. Cette logistique de surveillance pèse très lourd en terme de mobilisation d’effectifs. Elle devrait payer ses fruits. J’attends un rapport dans l’heure qui vient. Nous avons 23 commandos mobiles basés autour de Paris. Ils sont transportés par hélicoptères. Nous pouvons faire intervenir un commando dans n’importe quel point de Paris en moins de 7 minutes. Les renforts arriveraient toutes les trois minutes suivantes si nécessaires. Dans chaque commando il y a un artificier formé au désamorçage d’engins nucléaires et un expert en armement biologique. Nous attendons seulement de savoir où nous devons intervenir. 

- En quoi nos amis américains pourraient-ils vous aider ?  demanda le Président après quelques secondes de réflexion.

Les regards quittèrent le visage du Directeur de la DCRI pour se fixer sur celui de l’Amiral de Sées, le Directeur de la DGSE, sur l ‘écran voisin.

- En ce moment précis pas grand chose, Monsieur le Président, dit-il. Leur système d’écoute satellite doit être complètement paralysé, tout comme le nôtre naturellement. Mais cette paralysie devrait pas durer plus d’une demi-heure.

 

 

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27/04/2011
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